Cinq enseignes indiennes s’enchaînent sur quelques mètres dans ce petit bout de rue surnommé « Little India ». Les établissements font leur possible pour se différencier et attirer des clients.
Dès 20h, les petits commerces du passage Brady déroulent leur rideau métallique et ferment leur porte. Il ne reste plus que les lumières saillantes des restaurants indiens qui se lancent à la quête de clients. Les passants défilent, certains semblent juste se balader et d’autres jettent des coups d’œil attentifs sur différents restaurants.
Le tout premier restaurant que l’on aperçoit en empruntant le passage, c’est le Shalimar. Outre son emplacement, la devanture rouge bordeaux et la décoration traditionnelle faite de chaises et de tables en bois, ne le distingue pas vraiment des autres. Pourtant, il semble être le restaurant le plus rempli du passage.
Racoler pour attirer
Juste à côté, des racoleurs des autres enseignes observent les passants depuis la porte vitrée. « Bonjour Madame, Bonjour Monsieur », dit d’une voix douce Karthik, qui surgit du restaurant Le Pondichéry. Il se laisse quelques minutes, le temps d’analyser la raison de la venue des potentiels clients : simple balade ou recherche du meilleur restaurant indien du coin ? lI suffit d’une petite hésitation, d’un ralentissement dans les pas des clients, pour que Karthik les invite à entrer : « Je vous en prie ! Installez-vous ! »
Karthik est le gérant du Pondichéry. Il racole parce que « la concurrence est très dure, explique-t-il devant son restaurant quasiment vide. Mais on est le seul restaurant 100% indien du passage, les autres sont Pakistanais ». « C’est faux, notre cuisine est bien indienne », répondra plus tard Sindy, gérante du restaurant voisin Shalimar. Sindy n’est pas indienne mais elle assure que la cuisine l’est bien.
Un peu plus loin, le restaurant la Reine du Kashmir a le racolage le plus discret. Un serveur est installé comme un client à une table située à l’extérieur du restaurant. Alors qu’il se mêle dans le décor, il surgit dès qu’il perçoit un moindre intérêt pour le restaurant ou la carte exposée à l’entrée. Les clients ne se bousculent pas pour entrer dans ce restaurant, qui est le moins bien noté du passage par les internautes.
« Pas besoin de racoler ! »
Décisifs, les avis Google de la vedette Shalimar affichent 4,7 étoiles sur 5. « On n’a pas besoin de faire de racolage, et on n’aime pas ça, dit Sindy. Nous n’avons pas trop de concurrence. » Le Pondichéry de Karthik affiche pourtant 4,6 étoiles sur 5, un 0,1 point qui marque quand même la différence dans un petit passage où le choix du restaurant indien se joue à quelques détails près.
Le New Delhi Indien, situé de l’autre côté du Boulevard de Strasbourg, dans la seconde partie du passage Brady, a aussi choisi de laisser les clients venir à eux. « Pas besoin de racoler ! », s’exclame Sadija, serveuse dans ce restaurant protégé de la concurrence par son emplacement un peu à l’écart.
Fidéliser la clientèle
Retour au cœur de Little India. Le restaurant Yasmin se situe entre plusieurs instituts de beauté indiens. Ici, c’est la convivialité et la bonne nourriture qui priment, explique Shuduri, serveur depuis bien trop longtemps pour avoir compté les années. « On n’a pas besoin de se concurrencer entre restaurateurs. Les gens viennent, ils aiment la nourriture et ils reviennent. »
Le restaurant est tenu par des Indiens de confession musulmane, ce que Shuduri présente comme un moyen de rassembler les musulmans. « On est le seul restaurant qui ne sert pas d’alcool, contrairement aux autres » ajoute-t-il. « Ils affichent qu’ils sont halal, mais on ne peut pas toujours voir la certification », dit-il en pointant du doigt celle du restaurant scotchée au comptoir, avant d’accueillir tout naturellement de nouveaux clients en arabe : « Salam Aleykoum ! »
Sébastien mange seul dans le coin du restaurant Yasmin. Il engloutit en quelques minutes un mélange de plats végétariens. Grand habitué du passage, il a testé plusieurs restaurants mais c’est le Yasmin qui se démarque par son accueil chaleureux. « Ils sont très gentils et sincères, contrairement aux autres restaurants où l’échange est plus commercial », dit-il la bouche pleine. Mais la fidélité de la clientèle ne suffit pas toujours. À 22h, certains établissements restent toujours vides, tandis que le Shalimar, premier de la classe, a, de nouveau, une terrasse bondée.
Myriam Cherifi