Ge Xiu Qin a ouvert son restaurant, le Snack Bar, dans un quartier qu’elle connaît par cœur. Rencontre avec une cuisinière qui travaille à Belleville depuis dix ans, mais qui ne se sent pas encore intégrée à la communauté chinoise.
La silhouette d’une petite dame affairée à la cuisine se dessine derrière un rideau de toile verte déchirée. La patronne du Snack Bar, Ge Xiu Qin, hache les légumes, prépare les nouilles chinoises comme les soupes. Sa salle est vide. Seuls ses coups de couteau réguliers troublent le silence de son restaurant situé dans le quartier de Belleville, à Paris.
Le rideau s’ouvre. La quinquagénaire essuie ses mains usées par la préparation de nouilles et de crêpes chinoises sur son tablier jaune vif et s’assied devant le comptoir où se trouve son associé aux cheveux grisonnants, Zen Sáng. Le visage habillé d’un sourire, la native de Qingdao, une ville de l’est de la Chine, articule avec difficulté quelques mots de français. Son associé, debout au comptoir, traduit pour elle et assure que la cuisinière connait son métier sur le bout des doigts. « Je travaille à Belleville depuis dix ans. Je suis la spécialiste des snacks, des petits déjeuners, de la restauration rapide pour le midi ou le soir », rapporte-t-il.
« Chinatown », un choix évident
Ge Xiu Qin s’est installée dans la capitale au début des années 2000 et travaille dans les cuisines du XXe arrondissement depuis dix ans. Habituée à la clientèle bellevilloise, elle a lancé son restaurant au mois d’octobre. Entourée par les enseignes concurrentes, ornées de sinogrammes, la cuisinière de 50 ans considère que « ce n’est pas un problème. » Partager la rue avec quatre autres restaurants chinois permet « d’attirer du monde ». « Belleville, c’est grand donc les gens passent et s’arrêtent de temps en temps chez nous. Il y a de la clientèle pour tout le monde ici. » Pourtant, la rue de la Présentation est vidée de ses touristes comme de ses badauds.
Ge Xiu Qin reste optimiste. Pour elle, le XXe arrondissement offre nombre d’avantages. « Notre restaurant se trouve juste à côté de la sortie de métro (Belleville) et de nos fournisseurs. C’est ici qu’il y a les meilleurs prix sur les produits chinois et que c’est le plus simple de les trouver. » La patronne connait les bonnes adresses pour ravitailler son échoppe située à quelques pas d’un immense supermarché chinois, le Chen Market. Le choix de lancer son nouveau restaurant dans le « quartier chinois de Paris » était une donc « évident » pour Ge Xiu Qin. La cuisinière du Snack Bar décrit d’ailleurs le secteur comme « Chinatown ». Un choix stratégique afin de capitaliser sur l’une des plus grandes communautés chinoises de la capitale.
« C’est juste du business »
Assise face à la porte d’entrée, les mains plongées dans son tablier, la femme de 50 ans reconnait l’intérêt économique de Belleville. Ge Xiu Qin connait quelques « anciens clients », mais admet à demi-mot ne pas totalement se sentir intégrée dans la communauté chinoise du quartier. « Je connais une ou deux personnes ici, mais ce ne sont pas vraiment des amis. Les gens ne prennent pas le temps de discuter avec nous, ils viennent juste manger. On n’a pas vraiment d’échange avec la communauté chinoise non plus, c’est juste du business. Par exemple, on est entourés de restaurateurs chinois et nous n’avons jamais discuté avec eux. »
Il est 19h. Le froid s’intensifie et aucun Bellevillois n’a encore franchi le seuil du Snack Bar pour commander des nouilles ou des crêpes à la cuisinière. La petite femme au visage souriant déplore la situation : « On s’en sort bien d’habitude. Mais, en ce moment, c’est plus compliqué. Il fait trop froid pour que les gens sortent de chez eux. »
Tomas Jeusset