Chaque jour, des milliers de voyageurs empruntent les trains séparant l’Oise de la Gare du Nord pour se rendre au boulot. Embarquement aux côtés des habitués de ce trajet souvent pénible.
TER numéro 847826, direction Compiègne. En ce lundi 18 décembre, à 18h45, l’agitation de la fourmillante Gare du Nord laisse place au calme. Entre les bribes de conversations à voix basse entre voisins de siège, un son lointain s’échappe d’une paire d’écouteurs. Sylvie, 55 ans, confortablement installée au fond de son fauteuil, fait défiler les chansons sur Youtube. « C’est mon moment de détente à moi après le boulot. Je profite autant que je peux du temps que j’ai », confie cette cadre dans l’informatique.
Comme Sylvie et la quarantaine de voyageurs de la rame 12, quelque 200.000 voyageurs transitent quotidiennement entre les Hauts-de-France et la Gare du Nord. Parmi eux, un grand nombre de travailleurs dont la semaine est rythmée par les allers-retours, dans des conditions pas toujours optimales. Pour Sylvie qui fait le trajet entre Orry-la-Ville et Gare du Nord, les 25 minutes de voyage sont vite rentrées dans ses habitudes : « Ça fait plus de 7 ans que je fais ce trajet, quand il n’y a pas de problème, je ne vois même plus le temps passé. »
De trop nombreux retards
De l’autre côté de l’allée centrale, Catherine, 56 ans, a les yeux plongés dans son livre, O Jérusalem. Professeure des écoles dans le XVIIIe arrondissement, elle préfère elle aussi oublier les contraintes d’une vie éloignée de son lieu de travail. « Je m’estime heureuse quand je vois que je n’ai qu’une trentaine de minutes de trajet alors que certains y passent une heure et demi », reconnaît-elle.
Pourtant, bon nombre d’usagers s’agacent de voir les conditions de voyage se détériorer d’année en année. Selon le rapport annuel de l’Autorité de la qualité de service dans les transports, le taux de retard des services TER à l’échelle nationale est en hausse en 2022, atteignant les 8% contre 7,1% en 2021. Dans la région Hauts-de-France, le taux d’annulation des TER est quant à lui parmi les plus élevés enregistrés en France avec 4,7% de trains supprimés en 2022. Une réalité que subit Catherine : « Je ne compte pas les fois où je suis arrivée avec 30 minutes de retard en classe. Tous les jours, il y a des incidents techniques, en particulier vers la Gare du Nord. C’est à se poser des questions sur l’état des installations ferroviaires. »
Un « parcours du combattant »
A Orry-la-Ville, le TER marque son premier arrêt. Tandis qu’une foule compacte se dirige vers les sorties, Hakim, les mains fourrées dans les poches et les lunettes encore pleine de buée, trouve enfin une place assise après 20 minutes passées debout. « Je suis crevé, souffle-t-il. Avant d’arriver à Gare du Nord, je passe déjà plus de 30 minutes dans le RER. C’est un peu comme faire le parcours du combattant chaque matin et chaque soir. »
Originaire de Paris, Hakim a longtemps vécu dans la capitale. « Avec l’arrivée de mes enfants, ma compagne et moi avons préféré un cadre de vie plus agréable à la campagne », explique-t-il dans un murmure, pour ne pas troubler la tranquillité de l’espace. Un choix qu’il assure ne pas regretter mais qui pèse tout de même sur son quotidien. « J’ai de plus en plus de mal à supporter les grèves et les retards. Je trouve ça scandaleux qu’on ne puisse pas compter sur un service national comme la SNCF », s’énerve-t-il.
« C’est usant de passer autant de temps debout »
Début novembre, le passage de la tempête Ciarán dans le Nord et Nord-Ouest de la France avait paralysé le trafic entre Paris et l’Oise. A l’image des milliers d’autres usagers journaliers de la ligne, Hakim a dû s’organiser par ses propres moyens. « Il y a bien le RER D qui va jusqu’à Creil mais il ne passe que trois fois dans le journée », pointe le quadragénaire.
Passé la gare de Chantilly-Gouvieux, le TER redémarre de plus belle. Postée au milieu du couloir, Claire peine à rester éveillée. Ce sont finalement les secousses du train qui la tirent de son sommeil. « Je ne peux pas m’empêcher de dormir », s’amuse-t-elle en se frottant les yeux. Infirmière à l’hôpital, elle enchaîne les longues journées de travail auxquelles s’ajoutent plusieurs heures de transport. « C’est usant de passer autant de temps debout, surtout avec un travail aussi prenant physiquement que le mien », confie-t-elle.
Lorsque le TER annonce Creil, le wagon s’est déjà vidé de plus de la moitié de ses voyageurs. L’horloge affiche 19h20, soit plus de dix minutes de retard sur l’heure annoncée. « Je n’avais même pas remarqué », avoue Claire, qui se prépare à descendre. Pour elle, le trajet n’est pas encore fini. Elle doit encore récupérer sa voiture pour rejoindre la commune de Verneuil-en-Halatte.
Marine Evain