Marina Galimberti, la villageoise de Belleville

Italienne d’origine, Marina Galimberti s’est installée à Belleville il y a quarante ans. Sans penser y rester. Et pourtant, aujourd’hui, elle s’est fondue dans ce quartier, tissé d’immigrations, de solidarités, et travaille sur une exposition pour lui rendre hommage.

L’exposition Migrances Africaines devrait ouvrir ses portes en février-mars 2024. ©Adèle Lebrun

« Je ne suis pas un pilier du quartier », s’excuse presque Marina Galimberti. Pourtant, ce quartier, elle l’a vécu. Elle connaît tout ce qui s’y passe, tous ceux qui y travaillent. En s’installant dans le café Les Bols d’Antoine pour notre rendez-vous, en haut du parc de Belleville, cette réalisatrice de films documentaires confie : « Avant, c’était ma boulangerie, ici. Et juste de l’autre côté de la rue, c’était ma coiffeuse, dit-elle en pointant du doigt une devanture sombre. Mais le salon a été repris par quelqu’un d’autre. »

Rendre au quartier

Il y a deux ans, Marina Galimberti a ressenti le besoin de rendre hommage à ce Belleville : « Je m’étais rendu compte que je n’avais jamais rien fait sur les gens du quartier. » Germe alors l’idée de l’exposition Migrances Africaines. Epaulée par deux amis du coin, elle veut raconter le parcours de personnes d’origine africaine qui se sont installées à Belleville. « Des gens de 25 à 90 ans. L’idée, c’est de partir d’ici pour remonter vers leurs origines. »

Elle travaille sur l’exposition dans une salle de la Maison de l’Air, lieu associatif emblématique du parc de Belleville. Comment a-t-elle pu obtenir la salle ? En demandant à l’association Archipélia, qui gère le lieu, et qu’elle connaît… grâce à sa fille. À Belleville, le monde est petit.

« Belleville, ce n’est pas complètement un village, mais presque »

D’origine italienne, Marina Galimberti est arrivée à Paris pour ses études. Elle y est restée. « Je dis toujours que je suis de passage à Paris », glisse-t-elle avec un petit sourire. Même si ça fait plus de quarante ans que j’y habite. » Son histoire avec Belleville, elle l’a particulièrement développée en tant que mère. Après l’école, elle s’arrangeait avec les autres familles pour que sa fille ne reste pas à la garderie – et rendait la pareille quand c’était nécessaire. « Belleville, ce n’est pas complètement un village, mais presque. »

Marina Galimberti a mis sa fille unique à l’école publique dès la maternelle, en sachant bien que toutes les écoles du quartier Belleville sont classés REP. Si elle défend la « mixité » du public, elle regrette que les différences de classes sociales parviennent toujours à se faire sentir. Un temps parent déléguée, elle a organisé un ciné-club à la maternelle : « grâce à ces projections de films, on a pu créer un vrai réseau de familles. »

Résister à la gentrification

La réalisatrice habite juste derrière le café de notre rencontre, avec son copain, dans un appartement donnant sur une petite cour intérieure avec jardin.« J’ai acheté mon appartement par petits bouts, d’abord petit, puis plus grand, et à chaque fois c’était plus cher. » Marina Galimberti constate la gentrification du quartier depuis une dizaine d’années. « Les boutiques ont beaucoup changé, même rue de Belleville on voit que ça s’adapte à la nouvelle population : les restaurants chinois deviennent coréens… et il y a de plus en plus d’enfants à l’école catholique. »

Elle cite l’école privée Sainte Louise, située à quelque pas du café, qui s’agrandit constamment depuis 2010 : création d’un lycée, agrandissement du collège, extension du lycée… Les élèves semblent toujours plus nombreux. Depuis la fermeture de son salon de coiffure, Marina Galimberti a choisi un coiffeur de la rue de la Villette, « une rue qui fait très IVe arrondissement, avec des petites boutiques très chères ».

Adèle Lebrun