A 18 ans, Tamara est manageuse de l’unique restaurant palestinien de Paris, fondé par sa mère. La jeune femme a hérité de ses valeurs et de ses combats. A quelques pas du métro Porte de la Chapelle, elle sert fièrement la Palestine sur un plateau.
« Ahmed, ça va ? », lance Tamara au cuisinier, appliqué dans son travail. La manageuse du Ardi Concept Store veille sur son équipe. Dans ce restaurant et espace culturel palestinien, le seul de Paris, à quelques pas de la porte de la Chapelle, elle chapeaute les serveuses, les commis et les chefs de cuisine. « C’est une petite maison », dont Tamara est le pilier.
La lycéenne au regard pétillant est née en France, mais elle grandit en Jordanie, où sa famille palestinienne a été rapatriée en 1948. Le grand-père de Tamara, comme plus de 700 000 Palestiniens, a subi la Nakba, le déplacement massif et la dépossession des Palestiniens pendant la guerre israélo-arabe de 1948. A ses 7 ans, Tamara retourne à Paris avec sa mère Rania, sa grande sœur et son petit frère. Très vite, un lieu de vie palestinien dans la capitale manque à la famille.
C’est ainsi qu’est né en 2020 « Ardi », « ma terre » en arabe. Cette « petite terre de Palestine en France » se veut familiale, accueillante, ouverte sur le monde. Le lieu est un bouillon de culture. Brunchs, concerts, conférences, rencontres… « Il y a même eu des mariages à Ardi ! », se souvient Tamara, le sourire aux lèvres.
Irremplaçables
Si Tamara est le pilier d’Ardi, c’est surtout parce qu’elle est le bras droit de sa mère. L’emploi du temps de cette dernière est surchargé : elle enchaîne les rendez-vous, les interviews et les conférences, crée du contenu pour ses blogs et ses réseaux sociaux. Pour cela, elle ne veut pas voir sa fille quitter le restaurant. « Moi, je suis toujours là physiquement. Je m’occupe de tout. C’est compliqué de laisser ma place à quelqu’un d’autre », juge Tamara, pleine d’empathie.
Depuis octobre et la guerre menée par Israël à la suite des attaques du Hamas, des clients viennent offrir leur soutien. Les larmes aux yeux, Tamara raconte qu’elle est « entrée dans une petite dépression ». Elle préfère rester pudique et ne pas trop s’étaler sur le sort des Palestiniens : « Je ne suis pas là-bas, je ne ressens pas ce qu’ils ressentent. Je ne peux pas parler à leur place. » Elle est parfois allée manifester, mais a préféré s’éloigner des réseaux sociaux pour préserver sa santé mentale.
L’amour de sa famille
Sa mère, elle, milite. Et ce depuis toujours, bien avant le tournant du 7 octobre, bien avant l’ouverture d’Ardi. Tamara, petite, ne comprenait pas son absence : « Maman, je ne te vois plus ! », se plaignait-elle souvent. Maintenant, Tamara comprend et admire sa mère, qu’elle ne peut pas s’empêcher d’évoquer. Les deux se ressemblent beaucoup, physiquement comme dans leur personnalité. Cheveux longs bruns, regard pétillant, sourire contagieux.
« Ma maman nous a élevés avec l’amour fraternel », soutient Tamara. Mais aussi avec l’amour de la nourriture : « Dès que je rencontre quelqu’un, je veux qu’il soit content et rassasié ! » En Jordanie comme en Palestine, la nourriture a une place sociale centrale. Impossible de choisir un plat préféré. Le makloubeh, ce classique de la cuisine palestinienne à base de riz, de légumes et de viande de mouton, aurait pu l’être. Mais Tamara n’en peut plus : « J’en ai trop mangé ! »
Léna Lebouteiller