SP 38, figure emblématique du street-art bellevillois

De la Normandie à Paris en passant par Berlin, SP 38 est un artiste international. Il colle ses affiches un peu partout, mais c’est à Belleville qu’il se plaît.

L’artiste SP 38 devant ses affiches, rue Denoyez à Belleville © Zoé Multeau

« C’est là que tout a commencé, au numéro 22. » Sylvain Perier, alias SP 38, est peu loquace. Du bout du doigt, il montre le coin de la rue. C’est dans les années 90 qu’il s’y est installé, avec d’autres artistes. L’ancien squat, aujourd’hui transformé en crèche, n’a pas perdu de ses couleurs. Il est recouvert de graffitis, comme le bâtiment en face. Ce sont ces murs colorés qui ont fait la réputation de la rue, située à Belleville, dans le XXe arrondissement de Paris.

Figure internationale du street-art, SP 38 vit entre la Normandie, Paris et Berlin. À Belleville, c’est avec le collectif Friches et nous la paix, qu’il occupe désormais le 16 rue Denoyez. Aujourd’hui, il assure la permanence dans le local pour leur exposition de Noël. Intitulée Aux Chiottes!, elle réunit des cuvettes de toilettes décorées par différents artistes.

Un habitué des squats d’artistes

SP 38 n’en est pas à son premier squat. Dans les années 90, il en a rejoint plusieurs à Paris. « Friches et nous la paix, ça existe depuis plus de vingt ans. Au départ, en 2001, c’était plusieurs squats rue Blanche, rue de la Grange aux Belles et rue Ramponeau, explique le sexagénaire au bonnet jaune. On était beaucoup d’artistes, puis le collectif a évolué. » Après avoir été délogés, ils investissent le bas Belleville, dont le 22 rue Denoyez.

« C’était une rue très triste avant. Y’avait pas encore de piscine et les murs étaient tout blancs. On a commencé à peindre sur le grand mur en face, et c’est parti comme ça », se remémore le colleur et performeur. À l’époque, la mairie repeint régulièrement les murs, mais elle finit par laisser les artistes s’exprimer.

« À Belleville, il y a une sorte de résistance »

Quand il ne dort pas à Paris, SP 38 est à Berlin, où il retrouve d’autres squats artistiques comme Tacheles, Acud ou Prora. « Je m’y suis installé dans les années 90, à une époque où c’était la ville des artistes. Il y avait une symbolique après la chute du mur de Berlin, on avait l’impression que tout était possible. » Pendant 25 ans, il performe sur la scène berlinoise. Mais aujourd’hui, il estime que la ville s’est trop « gentrifiée », contrairement à Paris.

« À Belleville, il y a une sorte de résistance. Même si ça s’est boboïsé, la population est toujours mixte », détaille l’artiste. Il apprécie le lien qui se crée entre les habitants. « On boit souvent des coups avec les résidents de la maison de retraite », ajoute-t-il en pointant le bâtiment en face.

Le confinement de 2020 a poussé SP 38 à reposer ses valises en France. Il évolue désormais entre la Normandie et le 16 rue Denoyez. « On a enfin reçu le bail récemment », se réjouit le colleur d’affiches avant d’ajouter : « on va reprendre les activités et les performances ». Avec des artistes qui viennent de loin, de Berlin ou de Corée par exemple, et de tous les âges. « Le principe des squats, c’est que c’est des lieux ouverts. C’est bien de laisser la place à d’autres ! »

Zoé Multeau