Rue Cail, une palette complète de l’Asie du Sud

Agence de voyage, épicerie ou encore magasin de cosmétique, on trouve de tout dans la rue Cail. Les cultures sud-asiatiques se mélangent dans ce lieu niché derrière la gare du Nord.

Barca Tapon, dans son épicerie 10 rue Cail – Lola Michelin

Au numéro 14, une délicate fumée s’échappe des bâtonnets d’encens, embaumant tout l’espace de la boutique Serre Mahal. En haut des étagères trônent des dizaines de statuettes bouddhistes aux mille couleurs. « Il y a beaucoup d’Indiens, de Sri Lankais ou encore de Bangladais dans cette rue », baragouine Selvi, dans un français peu maîtrisé.

La vendeuse srilankaise, âgée d’une cinquantaine d’années, a fui son pays en guerre il y a 4 ans pour trouver refuge en France. Depuis, elle travaille dans ce commerce de la rue Cail, à quelques pas de la gare Du Nord. On y trouve une multitude d’objets traditionnels tels que des tikas (points colorés que les femmes indiennes portent sur le front), des poudres d’hamla pour les cheveux, des bijoux ou encore des saris. 

En face, au numéro 21, une jeune femme portant son fils de 3 ans dans les bras sort d’une petite boutique. « Je viens ici faire traduire mes documents pour la préfecture, je ne parle pas bien le français », articule difficilement la jeune femme épuisée par les cris de son fils. À l’intérieur des lieux, une dizaine de personnes impatientes tendent des dossiers à deux femmes débordées, qui s’efforcent de traduire au mieux les documents administratifs des Sri Lankais. 

Des produits de beauté indien « qu’on ne trouve pas ailleurs »

Sur le même trottoir, à quelques pas, se trouve le commerce de Nethmi. Ici, les murs peints en rouge rappellent les couleurs orientales et deux grands aquariums abritent des poissons à la corpulence extraordinaire, avec des écailles d’un orange vif et une tête disproportionnée. « Je répare des téléphones et des ordinateurs à des prix abordables. Les gens se sentent en confiance dans mon commerce et je parle leur langue, ce qui simplifie les échanges », lance le vendeur, installé derrière son comptoir, les mains salies par la ferraille. Venu en France il y a 18 ans pour fuir la guerre, ce Sri Lankais se dit heureux ici : « Je suis bien intégré en France, mes deux filles sont scolarisées dans une école pas loin », assure-t-il avec fierté.

En descendant la rue, au numéro 3, Sujatha, 38 ans, converse en hindi avec une cliente qui veut acheter une huile pour ses cheveux. « On vend des produits de beauté indien qu’on ne trouve pas ailleurs », explique la jeune femme au sourire contagieux, un tika orange ornant le haut de son front. Née dans une famille sri-lankaise et indienne, la vendeuse réside en France depuis 18 ans. “En face de la boutique, il y a une agence qui nous permet de réserver des vols pas chers pour rentrer chez nous ou faire venir notre famille », ajoute-t-elle en pointant du doigt le magasin situé en face.

Sujatha, vendeuse de la boutique « Cosmétique World », au 3 rue Cail – Lola Michelin

Dans le magasin juste à côté de l’agence de voyage, Barca Tapon et Nashir discutent à la caisse de leur épicerie. Les deux hommes vêtus de gros manteaux noirs et de bonnets gris, travaillent au numéro 10. Originaires du Bangladesh, ils vendent aujourd’hui des aliments traditionnels d’Extrême-Orient. Derrière eux, une montagne d’énormes sacs de riz s’étend jusqu’au plafond. « Ces produits ne se trouvent pas partout, donc les Indiens, les Sri Lankais ou les Bangladais viennent ici se ravitailler », affirme Barca Tapon avec fierté. « Nous avons aussi de gros poissons, c’est ce que nous mangeons chez nous avec des dal puri. » Sur son téléphone, la photo de sa femme en robe traditionnelle. « Elle est belle, hein ! Elle a acheté sa robe en face, au numéro 15 ».

Lola Michelin