Lynda Taibi, celle qui a fait de sa laverie un refuge 

Employée depuis cinq ans dans une laverie du Faubourg Saint-Denis, Lynda Taibi accueille les clients et repasse leur linge. Mais pas seulement. Ce qu’elle aime, c’est apporter aide et soutien à quiconque pousse la porte.

Tous les jours, Lynda repasse le linge que les clients déposent à la laverie. © Noa Ambrosino / IPJ News

Emmitouflée dans son gilet gris et coiffée de son éternel bonnet blanc, Lynda est debout derrière sa table à repasser. Elle enchaîne les chemises que les clients lui ont déposées. La fumée du fer dégage une odeur de lessive, mêlée au bourdonnement des machines à laver qui tournent toute la journée.
Figure du quartier, la petite dame qui évite les projecteurs a réussi à transformer cette laverie en un havre de paix où l’entraide et la convivialité règnent. « C’est l’univers que j’ai créé », raconte-t-elle, le sourire aux lèvres.

« Aider les autres, c’est ça qui me rend heureuse »

Des anecdotes, Lynda en a plein. Elle y pense souvent pendant ses trajets quotidiens en train de son domicile d’Esbly (Seine-et-Marne) à la laverie. Elle se souvient notamment de ce jour où une femme trempée par la pluie et incapable de parler est venue chercher des vêtements dans la laverie. « Je suis allée lui trouver quelques habits oubliés des clients que je range dans un placard. Lorsque je les lui ai donnés, son visage s’est illuminé, raconte la dame à la voix douce. Ça m’a beaucoup touché. J’en ai pleuré », reconnaît-elle. 

Inspirée par les leçons de sa mère – « aime tout le monde sinon personne ne t’aimera » –, Lynda perpétue la tradition. « Je traite tout le monde de la même manière. Aider les autres, c’est ça qui me rend heureuse », partage-t-elle en pliant le linge avec délicatesse. Cette philosophie, elle l’évoque aussi dans cet autre souvenir, portant sur une dame sans chaussures qui l’avait insultée. « Quand je lui ai donné une paire, elle est repartie l’air apaisé. Je n’oublierai jamais ce moment », insiste-t-elle.

S’installer en France pour guérir

Originaire d’Alger, Lynda a posé ses valises en France en 2016 pour soigner un cancer des ovaires. Sa bataille contre la maladie a duré deux longues années, marquées par quatre chimiothérapies. « Ça a été une épreuve très difficile. Je n’ai pas pu avoir d’enfant alors que j’en rêvais avec mon mari. En plus, je n’avais pas assez d’argent pour me payer moi-même les soins », déplore la quinquagénaire. 

En France, elle loge d’abord chez une aide sociale, à Sarcelles. « Mais la condition pour que je reste, c’était que je trouve du travail », précise-t-elle. Après des mois de recherche, elle trouve un emploi dans une entreprise offrant des services de lessive et de repassage à domicile. « Je crois que … », elle s’interrompt. « Non Monsieur ! Pour lancer la machine il faut que vous tapiez 63 sur la borne », crie-t-elle. Dans la laverie, elle gère à la fois les machines à laver, le séchage et le repassage du linge.

De retour derrière sa table à repasser, elle reprend : « Ces moments à travailler chez les gens ont été les meilleurs de ma vie en France ». Mais l’aventure n’a pas duré. Un an après, la société décide de la changer de lieu de travail et l’envoie dans cette laverie.

Aujourd’hui, Lynda n’est toujours pas guérie. Elle a rechuté il y a un an. Mais avec sa force d’esprit et son regard positif sur la vie, elle continue à se battre . Elle enchaîne les allers-retours entre l’hôpital et la laverie dont elle ne peut plus se défaire. « C’est devenu mon chez moi ». 

Noa Ambrosino