Plus qu’une salle de musculation en plein air, cette portion du parc de la Villette est un véritable espace de lien social, qui réunit les habitants du quartier autour de ses trente machines. Les différences d’origine, de niveau sportif et d’âge sont des prétextes pour mieux se rencontrer.
Quelques feuilles mortes jonchent encore le sol. Le vent glacial les balaie d’un souffle. Dans le parc de la Villette, l’hiver s’installe et les allées sont désertes. Au loin, un bruit saccadé rompt le silence. Une homme élancé se déchaîne sur un sac de frappe. Il n’est pas seul : sept personnes s’activent sur des machines de toutes sortes. Elles profitent du jardin des Voltiges et de sa surface de 1540 m2. Créé fin 2020, il s’agit du plus large espace de street-workout de France. Chacun peut y pratiquer librement cette discipline sportive qui mêle la gymnastique et la musculation.
Allongé sur un banc la tête à l’envers, Alexandre lève les jambes en l’air. D’un ton chaleureux, il plaisante : « Je sais que je ne les utilise pas comme il faut mais je veux juste m’étirer, pas prendre de muscle ». À 52 ans, ce danseur professionnel habite le quartier. Il se rend dans le parc une fois par semaine pour entretenir son corps, et parce qu’il aime particulièrement ce lieu. « Tout le monde se respecte et vit ensemble ici, c’est le luxe. D’un côté on a des petites mamies qui se bougent et de l’autre, des grands gaillards qui montrent les muscles, je trouve ça génial », s’exclame-t-il.
« L’été, c’est vraiment bondé »
Le quinquagénaire pointe du doigt deux hommes qui s’entraînent juste à côté. Parmi eux, Danilo, 1,90 mètres, peine à reprendre son souffle. Le jeune homme de 28 ans vient d’envoyer une longue série de frappes dans le sac. Avec le froid, ses poings rougissent à vue d’œil. La musique qui défile dans ses écouteurs semble lui faire oublier la douleur. Depuis qu’il a quitté la Serbie pour Paris il y a quelques mois, le jardin des Voltiges est sa deuxième maison. « Avant, j’allais un peu plus loin dans le quartier mais c’était nul, je ne rencontrais personne. Je suis tombé sur cet endroit par hasard et c’est vraiment parfait », s’enthousiasme-t-il.
Aujourd’hui, il partage le sac de frappe avec Assane, qu’il vient de rencontrer. Un bonnet vissé sur la tête, ce dernier porte une grosse paire de gants pour protéger ses mains. Malgré une petite bedaine, il enchaîne un exercice pour les triceps et les frappes dans le sac sans transpirer. Les températures hivernales ne sont pas un problème pour lui, il aime s’entraîner quand il y a moins de monde. « L’été, c’est vraiment bondé. Même en ce moment, le week-end, toutes les machines sont prises. Moi je viens quand il flotte ou en pleine journée, pour être sûr d’avoir de la place », indique-t-il.
Un emplacement stratégique
Pour Assane, le succès du lieu est lié à la qualité des installations, mais aussi à son emplacement : le XIXe arrondissement de Paris est le plus vert de la capitale. « On a une vraie salle de sport sans payer d’abonnement. En plus, on peut respirer l’air frais. Regardez, on est dans la nature ! » souligne-t-il en désignant les conifères qui l’entourent.
Emmitouflée dans sa doudoune, Houria fait du sport en jean. La retraitée de 63 ans, habitante de Pantin, n’a pas pris la peine d’enlever son sac en bandoulière. Comme Assane, elle profite du cadre naturel du parc de la Villette : « Il n’y a pas d’endroit comme ça chez moi. Ici, il y a des arbres partout. Je fais des mouvements qui soulagent mon dos, j’adore ! ». Cet après-midi, pour une fois, la sexagénaire est venue sans ses amis. « Normalement, on se retrouve tous les matins mais il fait trop froid pour eux », s’amuse-t-elle. Au jardin des Voltiges, le sport rassemble. Un peu moins quand le thermomètre affiche deux degrés.
Tom Chabeau