Jacob Melloul, le libraire juif inquiet pour ses proches

Jacob Melloul est le propriétaire de Biblieurope dans le XIXe arrondissement, la plus grande librairie juive de France. Son histoire est celle d’un juif marocain tiraillé entre deux identités, aujourd’hui préoccupé par la montée de l’antisémitisme.

Jacob Melloul dans son établissement Biblieurope, la plus grande librairie juive de France. © Hicham-Mehdi Zemrani

« Ça vient de là-haut. » Kippa sur la tête, regard levé vers le ciel, Jacob Melloul se réfère souvent à Dieu. La religion est omniprésente dans sa vie depuis qu’il a créé Biblieurope en 1989. Il est aujourd’hui le propriétaire de la plus grande librairie juive de France située rue Curial dans le XIXe arrondissement de Paris.

Dans sa boutique, on ne trouve pas seulement des livres. Des menoroth (chandelier sacré à sept branches), des kiddushin (verre de vin utilisé lors du shabbat) ou encore des tsitsit (vêtement porté par les hommes lors de la prière) occupent les étagères derrière le comptoir. Dans un bureau de l’arrière-boutique, un rabbin reçoit ses fidèles. Jacob Melloul est aidé au quotidien par son fils Michaël, 39 ans. Même si son père l’espère encore, il ne reprendra pas l’affaire familiale.

« Qui n’aurait pas peur pour ses enfants ? »

Il ne pourra pas non plus compter sur ses deux filles, Rachel et Sasha. Au grand dam de leur père, elles ont quitté la France pour s’installer à Jérusalem. Comme de nombreux juifs français, elles ont effectué leur « alya » (leur émigration vers Israël) pour se sentir plus en sécurité. Jacob Melloul leur rendait visite le 7 octobre dernier, lorsque l’organisation terroriste du Hamas a attaqué Israël. Depuis ce jour, le spectre d’un nouveau drame le hante. « Qui n’aurait pas peur pour ses enfants dans cette situation ? » interroge-t-il.

Cette peur est intimement liée à son histoire. Fils de coiffeurs, Jacob Melloul naît à Casablanca au Maroc en 1953 et grandit dans la ville côtière de Safi. Sa famille fait partie de la petite communauté juive marocaine (230.000 personnes en 1948). Alors que les juifs marocains sont nombreux à quitter le pays à cause des émeutes anti-juives, la famille de Jacob Melloul reste sur place.

Le souvenir de la guerre des Six Jours

Il se souvient du climat particulier qui régnait pendant la guerre des Six Jours (1967) : « Pendant plusieurs jours, il y avait une forte tension entre les arabes et les juifs. » Ses yeux s’illuminent lorsqu’il évoque la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël en 2020, en vertu des accords d’Abraham. La fin d’un tiraillement entre deux identités.

Des histoires d’antisémitisme, Jacob Melloul en a vécues. Lors de la seconde intifada (2000-2005), son établissement a été victime de nombreuses dégradations. Tags injurieux, vitrines cassées, pétards lancés dans la boutique… Sans parler des actes visant directement sa famille. Conséquence, il a scolarisé ses quatre enfants dans un établissement confessionnel après que l’une de ses filles a été harcelée en raison de sa religion.

Avec la résurgence du conflit israélo-palestinien, sa librairie pourrait être une cible. Pour l’instant, seules provocations à déplorer, des affiches en soutien à la Palestine collées sur sa devanture. Pas de quoi l’inquiéter. Jacob Melloul garde son sang-froid. « Je ne suis pas de nature peureuse », assure-t-il. Se sent-il en sécurité ? « Je fais confiance à Dieu pour ça. »

Hicham-Mehdi Zemrani