Au square Alexandre-Luquet, beaucoup de jeunes sportifs et… quelques dealers

Rénové en juin, le terrain situé au nord-est du parc de Belleville offre un cadre magnifique pour jouer au basket comme au foot. Un lieu d’échange, de sport et de socialisation investi par les jeunes du quartier… et prisé des dealers.

Mercredi 20 décembre, des basketteurs en herbe jouent square Alexandre-Luquet. ©Tomas Jeusset

Le tintement régulier des gouttes accompagne les rebonds des balles orange sur le bitume du square Alexandre-Luquet. Le terrain de basket habillé de rouge vif, de noir et de blanc surplombe le quartier et attire les regards. Sous la pluie de ce mercredi après-midi, quelques enfants courageux jouent et les encouragements, les « passe ! », les « oh ! ce que t’as pris ! » s’enchainent.

Un à un, les enfants quittent le terrain, chassés par le froid de décembre. Raphaël reste seul, à enchainer les shoots en tête de raquette. Couvert d’un gros manteau noir, l’adolescent de 13 ans « [s’] éclate ici. Le terrain est beau, bien entretenu et les dessins sont stylés ». Les chaussures, les joueurs et les paniers dessinés par l’artiste parisien Kekli décorent le playground. Pour Raphaël, « Il y a une bonne ambiance ici. Ça se trashtalk (charrier) un peu pendant les matchs, mais c’est normal au basket. »

Le calme laisse la place aux invectives

Square Alexandre-Luquet, les Bellevillois se retrouvent, discutent des dernières performances de leur joueur préféré et jouent ensemble. C’est un cadre magnifique pour le sport dans le quartier, rénové en juin par la NBA et la mairie de Belleville à l’occasion du programme Héritage des JO de Paris 2024.

La pluie s’arrête, une douzaine d’enfants en profitent pour investir le city stade collé au terrain de basket. Les collégiens de 9 à 11 ans commencent leur partie de foot, le calme laisse la place aux invectives. « J’allais marquer, là ! » clame le plus grand. « Applique-toi aussi. T’es nul ! » répond le plus petit du groupe. Yanis prend sa revanche, drible le gardien et marque. « On vient très souvent pour jouer au foot, le terrain est soigné et le sol bleu, c’est joli », fanfaronne-t-il après son but.

« Un espace de socialisation important à Belleville. »

Quelques rayons lumineux percent les épais nuages gris. Une troupe de petites filles, coiffées de nattes et de couettes, claironnent de leurs voix fluettes : « Ventes de gâteaux !  On a aussi du jus de pomme, du chocolat chaud, du café et plein d’autres trucs si vous voulez. » Léo Mesquida, animateur pour l’association Archipélia, accompagne les fillettes et établit son stand à l’entrée. « Le square Alexandre-Luquet est connu de tous dans le quartier, justifie-t-il. C’est facile de créer du lien avec les habitants, notamment avec les jeunes. C’est un espace de socialisation important à Belleville. »

Dans un coin, une dame aux joues rosies par le froid bouquine sur un banc. De temps à autre, elle jette des regards attentifs à son fils de 11 ans qui joue au basket. La mère a de l’appréhension dans cet endroit à « l’ambiance catastrophique et sexiste ». La quadragénaire s’est placée loin de l’immense fresque qu’elle déteste : « Il n’y a pas une nana dans tous ces dessins. On voit bien que l’espace est pensé et dédié aux mecs. » Les mains crispées sur son livre, elle confie s’inquiéter pour son fils : « Pour jouer au foot ou au basket à Belleville, il faut s’imposer par la force, même chez les jeunes. Mon fils venait souvent jouer ici et il s’est fait harceler par plein de gamins. »

Attention aux loulous

D’un coup d’œil, elle repère des dealers qui déambulent. Et quitte les lieux avec son fils. Au travers des arbres du parc, entre les grillages verts, on distingue en effet des silhouettes qui rôdent dans les chemins. L’une s’avance et franchit le portail cassé de l’entrée. Le grand jeune homme au visage fermé s’adoucit au contact des enfants qui continuent leur match. « Ça va les gars ? Alors, qui gagne ? » L’adolescent, qui préfère rester anonyme, habite « juste à côté dans la rue Piat » et « traine » souvent dans le square « pour voir [ses] potes. »

En début d’après-midi, un gendarme à vélo avait prévenu : « Faut faire attention avec les loulous qui trainent sur et autour du terrain. Ils utilisent l’endroit pour dealer. C’est plus prudent de ne pas y aller seul. » Il n’y a pas que les sportifs qui investissent le square Alexandre-Luquet. Les dealers, aussi, en ont fait leur point de rendez-vous.

Tomas Jeusset