Au pied du complexe olympique, les commerçants attendent les Jeux avec impatience

La construction de l’Adidas Arena, dans le XVIIIe arrondissement, promet des jours heureux aux boutiques voisines. Mais l’opportunité d’augmenter sciemment les prix ne fait pas l’unanimité et l’insécurité reste un sujet majeur.

Le complexe sportif Adidas Arena, à la porte de la Chapelle, sera livré au mois de mars. © Hicham-Mehdi Zemrani

« La porte de la Chapelle sera dynamique ! » s’exclame Miniar, employée de la boulangerie 18 Délices, située en face de l’église Saint-Denys, dans le nord de Paris. L’étudiante de 22 ans s’affaire à ranger les bûches de Noël dans l’étal. L’odeur du pain chaud embaume dans l’établissement qui se prépare déjà à accueillir des milliers de touristes cet été, à l’occasion des Jeux olympiques. « On va avoir besoin d’augmenter les quantités de pains, de pâtisseries, etc. », prédit Miniar.

Mais avant d’en arriver là, les commerçants doivent prendre leur mal en patience. Depuis plusieurs mois, leur quotidien est devenu un enfer. Les barrières de chantier rabougrissent les terrasses des restaurants, tandis que le bruit des perceuses, tractopelles et autres engins de construction fait fuir les clients. En vue des Jeux olympiques, la porte qui sépare le XVIIIe arrondissement de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) fait l’objet d’un réaménagement d’ampleur. Végétalisation, élargissement des trottoirs, nouvelle piste cyclable… La municipalité veut en faire les « Champs-Élysées du nord de Paris », selon les mots d’Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris. Rien que ça.

L’Adidas Arena bientôt livrée

Malgré une perte de chiffre d’affaires liée aux travaux, les commerçants prennent leur mal en patience. Pour nombre d’entre eux, les Jeux olympiques sont la lumière au bout du tunnel. La promesse d’un quartier réinventé, dont l’Adidas Arena est le symbole. Flambant neuf, le complexe sportif, dont la livraison approche à grands pas, domine la porte de la Chapelle. L’été prochain, il accueillera notamment les épreuves olympiques de badminton et pourra recevoir jusqu’à 8.000 spectateurs.

Les touristes seront donc nombreux dans le quartier. Mais certains commerçants refusent de profiter de l’afflux touristique pour accroître leurs marges. « Augmenter les prix, c’est comme si c’était du vol. Je vais pas vendre un kebab à 10 euros ! » s’exclame Zgalou, propriétaire d’un fast-food spécialisé dans le poulet. Les mains plongées dans la préparation d’un sandwich aux boulettes de viande, il explique vouloir conserver les prix « raisonnables » qui font l’essence de son établissement. Pas question de toucher à sa formule phare : sandwich et boisson pour 4,50 euros.

« Je maintiens les prix »

Même son de cloche à quelques pas d’ici, au Stop Bar, où les clients consomment autant des cafés que des pastis. Les ouvriers du chantier peuplent cette petite institution locale qui diffuse des musiques latinos. « Je maintiens les prix, affirme Farid, le gérant du bar. Je ne vais pas faire un prix avantageux à un client fidèle qui vient depuis 10 ans et faire payer plus cher un touriste, ça n’aurait aucun sens. » Ici, le pastis restera à 2,20 euros. Une fois que les travaux seront terminés, Farid compte demander une autorisation à la mairie pour construire une terrasse éphémère.

Il n’empêche, certains commerçants n’hésitent pas à gonfler leurs prix dans ce quartier de la capitale qui ne figure pas dans les guides touristiques. De l’autre côté du périphérique, l’hôtel Greet propose actuellement une nuit dans une chambre double pour la modique somme de 68 euros. Le 26 juillet 2024, à savoir le jour de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, comptez 366 euros pour la même prestation. Soit une augmentation de… 440 % !

L’épineuse question de l’insécurité

Mais à la porte de la Chapelle, l’épineuse question de l’insécurité reste à résoudre. Malgré le démantèlement en 2019 de la « colline du crack », un campement de consommateurs de cette drogue, le quartier est toujours peuplé de toxicomanes. Non loin d’ici, sur le boulevard Macdonald, un « crackeux » est soupçonné d’avoir agressé un adolescent il y a quelques semaines. « Le quartier fait peur », de l’aveu d’un commerçant qui souhaite rester anonyme. Peut-on transformer la porte de la Chapelle en promenade urbaine sans apporter des solutions concrètes à l’insécurité ? Ou comment ignorer l’éléphant au milieu de la pièce.

Hicham-Mehdi Zemrani