L’éternel combat contre la saleté du marché Dejean

Les déchets s’accumulent autour du marché exotique Dejean, dans le quartier Château Rouge, au grand dam des clients, des vendeurs et des éboueurs. Une situation qui perdure depuis plus de dix ans.

La collecte des déchets le matin au marché Dejean © Camille Pigois

Aux alentours de 11 heures, le marché de la rue Dejean (XVIIIe arrondissement de Paris) ouvre. Une forte odeur de poisson embaume la rue piétonne. Le moteur d’un camion poubelle et le bruit des bouteilles en verre qui se cassent couvrent celui des roulettes des chariots de course. Les éboueurs collectent les déchets alimentaires de la veille. Les ordures s’entassent, au point que certains commerçants aident parfois les agents d’entretien de la mairie de Paris.

« C’est pas suffisant », se plaint l’un des éboueurs, un habitué du marché. Tout en gardant un œil sur le travail de ses collègues, il explique : « il n’y a pas de collecte le soir. Alors que c’est à ce moment-là qu’il y a le plus de déchets à cause des vendeurs à la sauvette et de certaines incivilités. » Lorsque les échoppes du marché ferment en fin de journée, des vendeurs à la sauvette ouvrent en effet leur petit commerce parallèle. Et ceux-là ne nettoient ni leur stand ni les alentours de leurs installations. La nuit, des passants alcoolisés laissent aussi leurs bouteilles par terre.

De la saleté seulement au dehors

Après le départ des ripeurs, des épluchures de légumes et des morceaux de salades restent sur le bitume. Au plus grand bonheur des deux chats bruns se promenant dans la rue. Dans un primeur, l’un des deux félins s’agrippe aux jambes des clients. Il espère ainsi obtenir quelque chose à manger. A l’intérieur des boutiques, pratiquement rien ne traîne sur le sol. Pas question que la saleté du dehors n’envahisse aussi les commerces.

De grosses lunettes sur le nez et les bras remplis de courses, Françoise sort d’un petit supermarché exotique. La retraitée, qui habite le quartier depuis plus de 35 ans, constate une évolution. « La situation s’est nettement améliorée depuis une dizaine d’années. Notamment parce qu’il y a moins de vendeurs à la sauvette », explique la vieille dame, qui « achète de tout » au marché Dejean.

Des commerçants aident les éboueurs à se débarrasser des déchets © Camille Pigois

La nature des produits vendus explique la multitude de détritus alimentaires. Principalement de la viande et du poisson frais, ou des fruits exotiques fragilisés par leur importation d’Afrique ou des Caraïbes. Des clients se déplacent de toute la région parisienne pour y acheter des avocats tropicaux, du manioc, ou de l’igname. Parmi eux, une femme qui a pris le train depuis le département de l’Aisne, et vient deux fois par mois depuis plusieurs années. Pour elle, la saleté de la rue fait partie de l’identité des lieux : « Ça va un peu mieux, mais ça reste dégueulasse. C’est tout le quartier qui est comme ça. »

L’insalubrité devant les tribunaux

En 2016, la Mairie de Paris et la préfecture de police ont été condamnées pour l’insalubrité de la rue. A l’origine de cette condamnation, l’association La vie Dejean. Contactée par téléphone, Evelyne, la présidente explique : « On a porté plainte contre la ville et le préfet en 2013. L’affaire a duré trois ans. Il y a même eu un recours devant le Conseil d’Etat. » Elle se désole que rien ne change vraiment et que la police municipale soit « inactive ».

Elle nuance en évoquant certaines mesures entreprises comme la brigade anti-sauvette, rattachée à la police nationale. « Mais les vendeurs à la sauvette reviennent juste après », se désole-t-elle. Evelyne assure qu’après la condamnation et surtout le confinement lié au Covid-19, la rue était un peu plus propre. Pourtant, elle s’alarme : « Aujourd’hui, la situation empire. Elle est presque comparable à celle de 2013, lorsque l’association avait porté plainte. »

Camille Pigois