Situé à Porte de la Chapelle, le Paris Basket Fauteuil est l’un des rares clubs de handibasket parisiens. Une trentaine de joueurs profitent de la structure pour s’entraîner. Immersion au cœur de l’entraînement de l’équipe loisirs.
Le buste penché sur leur fauteuil, le regard fixe, des basketteurs font la course sur la longueur du grand gymnase des Fillettes, Porte de la Chapelle. Leurs doigts roulent à toute vitesse sur le fer froid du fauteuil. « Beaucoup de jeunes arrivent d’un peu partout en transports », note Sofyane Mehiaoui, le coach et fondateur du Paris Basket Fauteuil (PBF). Après plusieurs saisons en Italie et en Turquie, le champion de basket fauteuil français a créé en mai 2021 son propre club. Outre une association multisports au pied de la Tour Eiffel, « il n’y avait pas de club pour faire du basket en salle à Paris ».
Mathias, 34 ans, finit ses trois heures d’entraînement à peine essoufflé. Il a quitté le club de Saint-Ouen après la saison 2022 pour rejoindre le PBF en Nationale 3. « Je manquais beaucoup d’entraînement à Saint-Ouen à cause des annulations des PAM [taxis pour personnes à mobilité réduite, ndlr] à la dernière minute », raconte-t-il. Depuis le XXe arrondissement, il lui faut désormais une trentaine de minutes pour rejoindre Porte de la Chapelle en trottinette électrique adaptée.
Il y a quatre ans, le jeune homme chétif a eu un accident de moto qui l’a rendu paraplégique des jambes aux pectoraux. Avec un moral en dents de scie, il avait du mal à tenir la cadence des entraînements. Mais depuis son arrivée au PBF, il ne rate plus aucun entraînement. « Le 26 novembre dernier, je jouais un match. A 23 heures, je me suis rendu compte que c’était l’anniversaire de mon accident. A ce moment-là, je me suis dit que je m’impliquerais à fond dans le basket », assure-t-il.
Un sport en plein essor
Les gradins déserts du gymnase sont trompeurs : le basket fauteuil est en réalité de plus en plus fédérateur. Le club, qui a démarré avec quatre licenciés, en compte aujourd’hui une trentaine. Même si les Jeux olympiques 2024 donnent de la visibilité à la discipline, tous s’accordent à le dire : « L’élément déclencheur, c’est Sofyane ». L’athlète, large carrure et regard aussi brun que ses cheveux, n’hésite pas à jouer de son talent : il pivote sur une roue et slalome à toute vitesse entre les autres joueurs, pour impressionner la galerie.
A 40 ans, le sourire collé aux lèvres, il multiplie les sessions de sensibilisation et d’initiation auprès des écoles ou des entreprises. Bien que valide, Camille-Awa, un bonnet rose vissé sur la tête, adore jouer au basket en fauteuil. La jeune femme joue déjà au basket valide en club. Elle est séduite par les avantages du fauteuil : « Quand on ne peut pas utiliser ses jambes, on se focalise davantage sur le jeu d’équipe. » Pour le reste, la discipline handisport fonctionne comme son volet valide. Seules différences : le « marcher » est compté en poussées de roues et la reprise de dribble est autorisée.
Carlo, le cadet de l’équipe, a 7 ans. Il éclate de rire en plein match alors qu’il poursuit son frère, valide, venu s’essayer à la discipline. Il n’est pas impressionné par ses adversaires, bien plus grands que lui. En basket fauteuil, il n’y a pas assez de joueurs pour créer des catégories de genres ou d’âges. Chaque joueur reçoit une classification en fonction de son handicap, de 1 (paraplégique) à 5 (valide). En équipe nationale, la somme des cinq joueurs ne doit pas dépasser 14,5. Un valide peut jouer, « après, on va chercher les meilleurs 2 points ou 4 points », explique Sofyane.
Roues en or
Les pieds de Georges couinent sur le revêtement froid du terrain. L’homme aux cheveux grisonnants ne joue plus au basket, mais bavarde avec des joueurs sans déranger les matchs. Il est trésorier depuis la création du club. Son rôle est essentiel : il s’assure d’obtenir des subventions et des partenariats. Car le handibasket coûte cher. A chaque entraînement, les fauteuils habituels restent en touche : ils sont troqués contre des modèles de sport, aux roues inclinées et au siège adapté à leur niveau de handicap.
Pour un fauteuil entrée de gamme, il faut compter 500 à 1 000 euros, à multiplier par le nombre de joueurs licenciés. Alors, forcément, le basket suppose plus de budget que les sports à deux, comme le tennis ou l’escrime. C’est notamment pour cette raison que Sofyane a passé un partenariat avec Hurricane 92, l’équipe de basket fauteuil de Gennevilliers où évolue l’athlète. D’autres préfèrent investir dans leur propre matériel. Mathias pointe du doigt son fauteuil de luxe, payé 7 000 euros : « C’est celui avec les roues en or ! »
A la sortie du gymnase, l’Adidas Arena encore en construction brille à la lumière des lampadaires. Bientôt, le PFB s’entraînera dans l’unique site parisien des Jeux 2024. Si Sofyane est sélectionné en Équipe de France, il est sûr d’avoir un club entier de supporters derrière lui.
Léna Lebouteiller