Moussa Bidanessy, le sans-abri plein de colère

À la rue depuis plus d’un an, Moussa Bidanessy se bat pour retrouver un toit et du boulot. Sans résultat pour l’instant. A l’entendre, il ne peut guère compter sur les associations de la gare du Nord, qui aideraient en priorité les consommateurs de drogue. 

Moussa fait la manche en face de la boulangerie Maison Bayat toute la soirée. Angélina Mensah : IPJ News

Doudoune bleue marine, mitaines et chapeau troué, Moussa Bidanessy est assis devant la boulangerie maison Bayat, à deux pas de gare du Nord. Il est 20 heures, la nuit tombe sur le boulevard de Magenta. L’homme est transi de froid, cela fait neuf heures qu’il fait la manche ici. Ancien cuisinier d’Emmaüs à Boulogne-sur-Mer, lui qui a grandi dans le Xe arrondissement dit avoir tout perdu lorsqu’il est rentré à Paris chercher du travail. Papiers, argent, valise, tout aurait disparu lors d’une soirée trop arrosée. Orphelin, et ancien enfant placé, il n’a pas de famille vers qui se tourner. Et sa compagne Ikbal, sourde-muette, n’est pas en mesure de travailler. 

Depuis un an, Moussa multiplie les démarches. Mais rien n’y fait, assure-t-il. Il aime ainsi raconter l’accueil glacial qu’il a reçu la première fois qu’il s’est rendu auprès d’une association d’aide aux SDF. Au souvenir de cette rencontre, son visage se crispe. « Ils ont vu que j’étais propre sur moi, que j’avais envie de m’en sortir et une dame super enthousiaste a immédiatement commencé des démarches pour un logement. Puis elle m’a demandé à quoi j’étais accro. Au début je n’ai pas compris. Quand j’ai répondu que je ne prenais rien, elle s’est renfrognée et m’a mis à la porte. »

Un accueil spécialisé

L’homme de 34 ans croit à une erreur et décide d’aller voir d’autres associations du quartier. Mais partout où il se rend, on refuse de le prendre en charge. C’est finalement son assistante sociale, lors d’un rendez-vous, qui lui explique que les sans-abri avec des addictions sont prioritaires. « Les assos comme Aurore, autour de gare du Nord, ont été créées pour aider les drogués. Quand on veut leur soutien, il faut faire un test d’urine pour prouver qu’on consomme. Une fois, j’étais tellement désespéré que j’ai demandé à un copain de le faire pour moi et ils m’ont payé un mois de chambre d’hôtel », assure-t-il.

Des accusations que l’association Aurore tempère. « Plusieurs dispositifs autour de la gare du Nord sont à destination des personnes droguées, vu que c’est là qu’ils sont le plus présents. Ces personnes ont besoin d’un espace spécifique, on ne va pas les mettre avec des familles qui ont des enfants, par exemple. Les personnes qu’on ne peut pas accueillir, on les redirige vers le 115 pour qu’ils puissent trouver une place ailleurs », explique l’organisme.

Une prise en charge à deux vitesses

Pour Moussa, ces associations qu’il juge « pro consommation » ne devraient pas prétendre aider les sans domicile fixe. « Même les maraudes évitent ceux qui ont l’air sobre », prétend-il, plein de colère. Il assure ainsi avoir été victime de plus d’un accompagnement négligent. « J’ai touché le fond en septembre. Avec ma compagne, on venait enfin de se voir attribuer un logement. On allait enfin sortir de la rue ! On pleurait de soulagement lors de la visite. Mais le jour où on devait récupérer les clés, on a appris qu’un drogué était passé devant nous ».  

Quitter Paris, Moussa y a déjà songé plus d’une fois. Mais toutes les personnes qui l’aident à survivre au quotidien sont ici. La vendeuse de la boulangerie qui lui donne les invendus, les familles du quartier qui lui ont acheté une tente et des gants… Le trentenaire ne perd pas espoir. Il compte bien avoir un logement d’ici l’été et retrouver un emploi dans la restauration.

Angélina Mensah